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Poing final

lundi 20 octobre 2008, par Goruel DVILI

Voici le dessin qui servait la consigne de ce texte :

Un point. Voilà tout ce que je peux écrire.

Au début, il était beau mon point, mais à force de ne faire que des points, cela ne ressemble plus à rien. Même pas à un point.

J’en ai plié ma plume de ne faire que des points, et du coup, elle coule. Mon point est devenu un gros pâté, un gros point.

Je rêve qu’ils me laissent un peu plus de marge, qu’ils déserrent un lien ou deux. Je pourrais faire un point d’interrogation, un point d’exclamation, un point virgule, trois petits points...

S’ils déserrent mes liens, je pourrais faire une lettre. Un "a" minuscule, un "i" avec un jolie point au dessus de la barre... Oh un "j" aussi. Je pourrai écrire "j’ai", avec une apostrophe entre le "j" et le "a".

S’ils déserrent mes liens, je pourrai sentir le sang couler à nouveau dans mes veines jusqu’au bout de mes doigts. Je pourrai à nouveau sentir mon stylo plume qui est devenu une partie de moi. Je pourrai remettre une cartouche d’encre, peut être même changer de couleur. Je pourrai fermer mon poing.

S’ils déserrent mes liens, je pourrais commencer une nouvelle ligne, une nouvelle feuille pour une nouvelle histoire.

Mais ils ne déserreront pas mes liens. Ils sont passés ce matin, comme tous les matins, pour inspecter si les fils sont bien tendus, si les nœuds n’avaient pas de jeu, si les punaises étaient bien enfoncées, si mon stylo était bien arrimé, si mon poignet était bien en place.

Et comme tous les matins, ils ont regardé mon point, l’ont inspecté sous toutes les coutures, sans le toucher, avec des grognements, des mouvements de tête, des clignements d’yeux.

Et comme tous les matins, pas de commentaires. Je ne sais pas su je fais bien. Je mets pourtant un point d’honneur à mon faire mon point.

Un matin viendra, ils seront obligé de me déserrer, de me délier, de me détacher. Ce matin j’aurai mis un point final.

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